Marche unitaire du 23 septembre contre la répression et les discriminations systémiques, pour les libertés publiques et syndicales

 

A l’appel de nombreuses associations et organisations, dont la CGT, une mobilisation était organisée ce samedi 23 septembre 2023 pour dénoncer la répression systémique et les violences policières, et défendre les libertés publiques et syndicales.

L’Union Départementale CGT de Haute-Savoie a répondu présente à cet appel en organisant, avec les autres associations et organisations participantes, une manifestation sur Annecy qui a réuni près de 400 personnes, dans la bonne ambiance et la bonne humeur malgré la gravité des faits dénoncés lors de cette mobilisation.

Nous retranscrivons ici la prise de parole d’Yvan Perez, co-secrétaire général de l’UD CGT 74, au départ de la manifestation :

 

Chers amis, chers camarades,

Le 27 juin, le jeune Nahel était tué par un policier. Il était la 15e victime d’un tir mortel pour « refus d’obtempérer » depuis le 1er janvier 2022, quand on en compte seulement un en Allemagne en dix ans. Cette exécution a entrainé plusieurs nuits de révoltes urbaines et un déploiement de forces sans précédent avec 45’000 policiers et gendarmes, l’utilisation du RAID, du GIGN, d’engins blindés, de drones… Sans parler de violent arsenal dont dispose la police pour réprimer les contestations !

La répression a été féroce lors de ces révoltes populaires, avec près de 4000 interpellations dont plus de 1000 mineurs, deux décès et des mutilations irréversibles suite à des tirs de LBD. Macron a obtenu ce qu’il avait érigé en priorité absolue, « le rétablissement d’un ordre durable ». Mais à quel prix ?!

Le meurtre de Nahel a une nouvelle fois mis la lumière sur des violences policières injustifiables et un racisme systémique qui touche fortement les forces de l’ordre. Une situation encouragée par les déclarations factieuses de certains syndicats de police et une culture de l’impunité pour les auteurs de violences policières, entretenue par les institutions de l’Etat (Le ministre de l’Intérieur, le préfet de Police, le Directeur Général de la Police), ce qui remet gravement en cause l’État de droit.

Obsédé par le maintien d’un système inégalitaire, qui profite à la classe capitaliste et précarise la grande majorité de la population, le pouvoir emploie des méthodes autoritaires pour briser toute contestation. Les entraves aux libertés publiques se multiplient et sont significatives de cette dégradation, avec des interdictions de manifestations, une doctrine du maintien de l’ordre dénoncée par de grandes institutions internationales, des tentatives de dissolution d’associations…

Et que dire de la mise en garde à vue d’Ariane Lavrilleux, journaliste d’investigation, qui s’est vue traitée comme une terroriste, avec fouille complète de son logement et réquisition de toutes ses données informatiques… Même la liberté de la presse est ainsi attaquée, jugée criminelle même, quand on n’assure même plus au journalisme le droit à la protection des sources (ce qui est une sérieuse entrave à ce métier pourtant essentiel en démocratie).

Les libertés syndicales sont elles aussi durement bafouées, avec une criminalisation toujours plus forte des actions – en particulier celles de la CGT – et qui s’accélère depuis le passage en force de la réforme des retraites. La CGT recense ainsi plus de 1000 camarades sous la menace de licenciements, de sanctions disciplinaires, de convocations ou de poursuites judiciaires.

La convocation par les gendarmes de Sébastien Menesplier, membre de la direction nationale de la CGT et secrétaire général de la Fédération de l’énergie, inculpé pour avoir été à l’avant-garde des batailles contre la réforme des retraites, ou la mise en examen de David Bodin, secrétaire de l’Union Départementale CGT des Deux-Sèvres, inculpé pour avoir participé aux mobilisations contre les méga-bassines, montrent qu’une ligne rouge a été franchie et qu’il n’y a plus de limite à la répression syndicale, quand ce sont directement les dirigeants de notre organisation qui sont visés.

Le récent procès du système de surveillance mis en place par des cadres dirigeants d’Ikéa France pour espionner leurs salariés, a là aussi braqué les projecteurs sur cette répression syndicale, car les syndicalistes étaient les premiers visés. La procureure a par ailleurs requis trois ans de prison contre l’ex-PDG et l’ancien responsable de la sécurité, ainsi que 2 millions d’euros d’amende pour la filière française d’Ikéa. Elle a également appelé à une « condamnation exemplaire » qui envoie un « message fort » aux entreprises.

MSA, RATP, Monoprix… Les attaques contre les salariés mobilisés se multiplient. Dans différents secteurs d’activité, des syndicalistes sont licenciés. C’est aussi le cas sur notre département avec la récente attaque de la direction de NTN-SNR qui a engagé une procédure de licenciement contre notre camarade Jacques Matei, délégué syndical CGT sur le site d’Argonay, après une mise à pied conservatoire et immédiate, suite à une enquête qu’il menait dans l’entreprise auprès des salariés.
Je profite d’ailleurs de l’occasion pour vous annoncer que l’inspection du travail vient de s’opposer à ce licenciement arbitraire ainsi qu’à la mise à pied conservatoire, donnant ainsi raison à notre camarade qui ne faisait que son devoir de représentant du personnel.

Mais quand il s’agit de salariés protégés, comme les délégués du personnel, et même si l’inspection du travail refuse un licenciement visiblement lié à l’exercice de l’activité syndicale, l’entreprise fait de plus en plus souvent appel jusqu’à obtenir gain de cause. On voit bien à ce sujet la volonté de faire taire la contestation, et surtout la CGT, y compris quand elle s’exprime dans les entreprises.

Nous attendons donc la riposte de la direction de SNR et resterons mobilisés, là encore, pour soutenir et défendre notre camarade et, à travers lui, le droit syndical.

Puis l’animosité patronale à l’égard de représentants des salariés peut aussi prendre la forme plus insidieuse de la discrimination. Mettre au placard, empêcher un déroulement de carrière… Ces agissements injustes et illégaux ont un impact grave sur la personne concernée et sont aussi nocifs pour le syndicalisme. Cela revient à faire passer aux autres salariés le message suivant : « Si vous vous syndiquez, vous aurez des ennuis quotidiens, des conditions de travail détériorées. » !

Je réaffirme ici que la liberté syndicale est essentielle pour la démocratie et l’émancipation collective, on doit se battre pour la consolider… et nous affirmons à la CGT que la démocratie ne doit pas s’arrêter à la porte des entreprises capitalistes !

En ce jour de mobilisation contre les atteintes aux libertés publiques et syndicales, rappelons aussi que la discrimination et la répression syndicale ne sont pas le fait de quelques individus isolés. Il s’agit bien de stratégies mises en place par le patronat dans son ensemble, notamment dans les plus grandes entreprises, et par le gouvernement qui encourage et soutient ces stratégies.

En effet, quand les salariés sortent dans la rue pour faire entendre leurs revendications, ils sont de plus en plus soumis à la répression, une répression aggravée par des décrets qui étendent encore plus les possibilités de fichage des militants, ou par la fameuse Loi « Sécurité globale ». En somme aujourd’hui, même si vous ne faites rien, s’il y a un simplement soupçon que vous pourriez participer à un « attroupement violent », ça suffit pour vous incriminer et vous qualifier de délinquant !

D’ailleurs, l’article 24 du projet de cette nouvelle loi vise à sanctionner toute photographie des forces de l’ordre qui serait jugée « malveillante ». Un manifestant peut ainsi être interpellé sur ce motif et faire jusqu’à 48 heures de garde à vue. Même si on s’aperçoit par la suite qu’il s’agit finalement d’un militant pacifique et sans aucun antécédent de violence constaté, ces arrestations et gardes à vue laissent des traces.

Les dégradations de services publics et de commerces, commises à la suite du décès de Nahel, particulièrement dans les quartiers populaires, ont détérioré encore davantage les conditions de vie et de travail. A la CGT nous alertons depuis plusieurs années sur les ravages des politiques d’austérité et de précarisation, car il est évident que la misère sociale n’engendrera que de la violence si aucune réponse politique n’est apportée pour redonner des moyens à nos services publics et donner à chacune et chacun le droit de vivre dignement et de trouver sa place dans la société.

Et face à cette violence souvent discutable mais aussi parfois légitime qui s’exprime face aux inégalités croissantes et au démantèlement de nos services publics, le gouvernement juge bon d’y répondre en mettant en difficulté aussi les agents de police et de gendarmerie, qui doivent alors contenir une colère dont ce même gouvernement est responsable !

Je tiens d’ailleurs ici à faire une parenthèse, chers amis et camarades, pour ne pas se laisser aller dans un discours nauséabond du « tous pourris ». Car si comme dans tous les métiers, certains le font avec zèle ou sans aucun discernement parfois, si dans la police il existe des agents qui abusent de leur pouvoir ou n’arrivent pas à maîtriser leur comportement face à des situations violentes ou dangereuses (au point de tuer parfois, en toute disproportion de la réponse qu’il aurait fallu apporter), ne mettons pas pour autant dans le même panier tous les agents de police ou de gendarmerie.

Comme tout service public, c’est aussi, bien souvent, un engagement, une vocation pour la plupart d’entre eux, et d’entre elles, puis soyons aussi lucides : on ne peut pas faire société et faire république sans services organisées pour le respect des lois, mais aussi le respect des libertés.

Je le dis d’autant plus tranquillement qu’ici, en Haute-Savoie, nous ne sommes pas soumis à une répression policière insupportable comme elle peut avoir lieu ailleurs dans d’autres départements et sur le territoire national. Il me paraissait donc important de souligner ce point pour ne pas laisser se développer un discours du « tous pourris » qui n’aide pas à la réflexion politique en faisant des amalgames abusifs.

Et nous le savons, les policiers sont aussi soumis à des conditions de travail dégradées et des milliers d’heures supplémentaires non payées, ce qui n’aide pas à une bon fonctionnement des services de police et ne facilite pas la tâche des agents en charge du maintien de l’ordre et des libertés. Ce qui n’excuse pas tout, bien entendu, mais ce sont aussi des agents qui sont citoyennes et citoyens avant d’être policiers, qui sont aussi des travailleuses et travailleurs, avant d’être un outil utilisé par le pouvoir pour imposer en force des politiques inégalitaires.

Dans un contexte de forte inégalité, de stagnation des salaires et des pensions face à une inflation galopante, et donc face au recul du pouvoir d’achat en règle générale, Macron poursuit ainsi une politique régressive qui fait le lit de l’extrême droite, qui aggrave les inégalités sociales et qui piétine notre modèle social, quand il ne piétine pas carrément la démocratie, tout en stigmatisant toujours les plus faibles, avec des réformes destructrices comme l’accès réduit aux prestations sociales ou à l’assurance chômage.

Pour finir, la CGT exige des réponses immédiates et dans l’urgence :

  • L’abrogation de la loi de 2017 sur l’assouplissement des règles en matière d’usage des armes à feu par les forces de l’ordre ;
  • Une réforme en profondeur de la police, de ses techniques d’intervention et de son armement ;
  • Le remplacement de l’IGPN par un organisme indépendant de la hiérarchie policière et du pouvoir politique ;
  • La création d’un service dédié aux discriminations touchant la jeunesse au sein de l’autorité administrative présidée par le Défenseur des droits et le renforcement des moyens de lutte contre le racisme, y compris dans la police ;
  • Un plan d’investissement public ambitieux dans les quartiers populaires et sur l’ensemble du territoire pour rétablir les services publics, le financement des associations et des centres sociaux ;
  • Le respect des libertés syndicales, du droit de grève, du droit de manifester et de la liberté d’expression.

Merci pour votre attention, et surtout, merci pour votre présence à toutes et tous, qui montre que la résistance ne se laissera pas museler face à cette répression et ces discriminations systémiques qui accompagnent une politique capitaliste qui creuse les inégalités et soumet la population à des conditions de vie et de travail toujours plus dégradées… au profit de quelques-uns qui pillent nos richesses, notre travail, et saccagent la République pour finir.

Qu’ils nous entendent bien : On ne lâchera rien !!!

 

(discours prononcé devant la préfecture à Annecy, le 23 septembre 2023)

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